A Sun City, les palmiers accueillent les visiteurs dès la sortie de l’autoroute et les accompagnent jusqu’aux baies en sable des plages. Ici, la lumière de la nuit est celle du reflet de la lune sur l’eau. La journée, de petits donjons en sable scintillent aux pieds des enfants...
Mais à Sun City, la musique s’écoute en voiture, toutes fenêtres baissées et tant pis pour la limitation de la vitesse. En été, l’air est brûlant sur les nuques et les battements du cœur s’acharnent contre des tempes en sueur. Passer sa main sur le cou n’apaise pas de la chaleur.
Divine a écrit et composé son premier album ici. Entre la plage et le purgatoire. Loin de la complexité de l’actrice homonyme magnifiée par John Waters, LE groupe Divine dont il est question aspire à un "rock simple et efficace". Un boulet rouge qui ne prend pas de gant. Présenté comme le side-project de deux membres de Peach Ftl [1] (Luis Azémar, chant et guitare, et Lül Navarro, batterie), Divine s’applique depuis 2008 à livrer des mélodies percutantes, qui tournent dans la tête comme sur une platine qui ne s’éteint jamais
Rassemblés autour de Is It Loud Enough ?, les quatre membres de Divine (Capucine Hees à la basse et Ben Lhoste à la guitare) soufflent sur les braises de souvenirs de vacances entre copains. Car Is It Loud Enough ? a ce potentiel soundtrack-esque que l’on reconnaît aux albums qui évacuent la pose et la sophistication. Avec Divine, c’est tout le monde dans la bagnole et hop, on roule droit devant.
Is
It Loud Enough ? est un album où tout est gestion de puissance, où des
mains expertes [2] en dispositifs de type boutons de table de
mixage ont oscillé, à droite, un peu plus à droite, puis à gauche, et un peu
moins à gauche. Exemple : Getting Out joue sur les à-coups d’un
chemin accidenté (« Lilly Fox, is it just a joke ? »,
hein, alors ? Lilly ?) et déroule de cette façon un tapis rouge à une
belle nervosité, martelée, dirigée contre (?) Lilly Fox qui prendra une
seconde gifle deux pistes plus loin. Avec un tel revers à 360°, l’énergie
poursuit son chemin sans peine, repue, le parallélisme est sauf, la route est
droite. Le groupe a intériorisé des sonorités de la côte Ouest et fait
rejaillir les plus improbables d’entre elles pour les passer à travers un
filtre qui n’aurait pas déplu à Butch Vig, l’auteur du son clean des
types d’Aberdeen. Tiré à quatre épingles et puissant à la fois, The Way
(240 000 écoutes au compteur Myspace de Divine) exprime
la rancœur avec élégance, faisant d’une contradiction du quotidien, une
redoutable déclaration d’intention. Et ce n’est pas sans raison que cette
assurance se prolonge sur I.B.T.O. qui invite à toutes sortes de choses
rock et exutoires : s’improviser batteur avec ses couverts à table, sur le
volant de sa voiture, sur la tête de son amoureux (qui n’appréciera que
partiellement, évidemment), ou sur une vraie batterie (c’est un exemple). « I’ll
be the one you want » (que l’on peut traduire par « Je serai
ton gars, que tu le veuilles ou non ») reste sur les lèvres, s’amusant
de la teneur de petits défis relationnels (comme l’attraction, le rejet ou
encore le mensonge).
Alors,
d’aucuns s’exprimeront et diront que tout cela va très vite, évidemment. Mais
la réponse est : non. Cela n’est pas aussi simple car l’impact de Divine
n’est pas question de métronome. La preuve avec Exit To Eden, idéale
road-song californienne, parfaite pour s’injecter la chaleur du soleil derrière
un pare-brise. Et c’est sur cet exercice que Divine démontre avec habileté la
cohérence qui lie son intention à son moyen : une détermination, positive,
en guise de fil rouge pour livrer des mélodies simples, ritournelles power-pop,
dignes héritières d’un intense background rock. Turn On The Light et Motorbike
côtoient de près des influences déclarées (Weezer et Jimmy Eat World) et Everlasting
Plea intriguera les oreilles sensibles au(x) combo(s) d’un grand roux qui
enregistre parfois dans le désert.
Is
It Loud Enough ? invite à rejoindre un imaginaire où le soleil cogne
mais ne blesse pas, où les guitares électrisent des six voies rapides et où une
voix, par certains de ses aspects dont sa profondeur, encourage aussi bien
qu’elle ne bouscule (Black Moon). Composé d’une traite, ingéré en une
fois, imprégnant pour plus longtemps, ce premier album réussi se referme sur
l’épilogue d’une virée sur du bitume fumant : Think Twice, c’est la
voiture qui s’éloigne, tambours battants, sur une dernière ligne droite, filant
de plus en plus loin, loin... loin et qui laisse l’auditeur sur le bord de la
route, les cheveux dans la bouche, le sable dans les yeux et les sifflements
dans les oreilles. Il guettera le retour de la voiture. Sur le bord de la
route. En faisant du stop. Entre la plage et le purgatoire.
[1] Découvrir et écouter Peach
ftl.
[2] En l’occurrence, celles de Duke Hill et Eddie
West, producteurs. L’album a été enregistré chez TrendkillStudio, à Montpellier d’où le groupe est
originaire.
Rubrique Découvertes.
Divine sort son premier album It It Loud Enough ? (Spectre/Universal) en septembre 2009. Il est déjà en écoute sur leur Myspace.