Trent
Reznor, 44 ans, fondateur et leader du groupe Nine Inch Nails, brise le coeur,
en ce moment-même, de centaines de milliers de fans féminines. Oui, c’est
officiel : ce monsieur va épouser une madame qui, une fois les papiers
remplis, sera Madame Reznor. Raz de marée numérique sur les forums et les
blogs : c’est le cataclysme. Car Trent Reznor est un beau gosse. Enfin,
moi je trouve.
Mais
King Of Pain n’a pas toujours reçu les faveurs de Dame Nature. Pourtant, génie
informatique, excellent compositeur (il suffit d’écouter un titre comme La
Mer sur The Fragile [1999] pour s’en convaincre, ou bien de
réécouter sa propre version de Hurt sur The Downward Spiral
[1994], reprise quelques temps plus tard par un Johnny Cash en phase
terminale), Michael Trent Reznor est un homme de son temps. Sauf que le temps,
ça passe... et que les cheveux, ça pousse.
Retour
sur la carrière de l’homme qui aujourd’hui fait trembler Apple, à travers ses
divagations (ou égarements, ou digressions, ou erreurs, n’ayons pas peur des
mots) capillaires.
Photo 1 |
198x ?
Photo non datée (photo 1). Le jeune Trent vit avec ses grands parents
qui le sensibilisent à la musique. Pianiste précoce, c’est depuis le clavier
d’un Moog que Reznor fera s’envoler ses premières ritournelles (de celles que
l’on peut saisir parfois sur Into The Void [1999] ou All the Love in
the World [2005] notamment). Sauf que ses cheveux tous drus ne risquent pas
de s’envoler, eux, tant la brosse des eighties fait rage dans les lycées des
quartiers de la middle-class. La force de cette photo, c’est le caractère
hybride de la coupe de cheveux, en raison de la timide raie au milieu du crâne
qui tait son nom. On le sent très bien : Reznor amorce un virage
fondamental dans sa carrière de garçon-coiffeur.
Photo 2 |
Et
hop ! 1982. Trent intègre un groupe de Cleveland, Option 30. Sur la
pochette (photo 2, à droite) de la seule maquette à laquelle participera
notre héros, ce dernier manifeste un enthousiasme qui fait plaisir à voir.
« Mes cheveux poussent ! Mes cheveux poussent ! ». C’est
l’envol du papillon, le début de l’indépendance, la résiliation de l’abonnement
chez le coiffeur de famille.
Photo 3 |
Car...
car Trent se fait désormais couper les cheveux par ses copains (photo 3, au
centre). C’est une solution économique adaptée pour celui qui avouera plus
tard avoir récuré les toilettes d’un studio d’enregistrement pour pouvoir
manger. De cette belle époque, durant laquelle il se fait prêter des
ordinateurs pour enregistrer son premier single, Down in it, Trent
gardera le goût de la provocation et des habits noirs, en cuir de préférence et
en latex (ggrrrh...) parfois.
Photo 4 |
Down
in it est le tube qui lancera Trent dans le monde de la musique (en tous
cas, celle qui fait gagner de l’argent). Nous sommes en 1989 et Nine Inch
Nails, le groupe derrière lequel... il est tout seul, sort son premier
album : Pretty Hate Machine. Et là, Trent Reznor ne plaisante plus,
trop content qu’il est de voir son album dans les charts US au même moment où
ses dreads commencent à caresser ses épaules (photo 4). Ça tombe bien et
Reznor dit adieu aux années 80 en arborant, pas peu fier, le bandana (grave
eighty) qui l’a accompagné durant toutes ces années.
En
1992, sort Broken, son deuxième biscuit. Désormais célèbre, Trent ne
soigne plus son image (ce qui est un moyen de la soigner, comme chacun sait).
Et là, c’est le début de la diabolisation dans les médias et de la saturation
excessive des Korg de collection qu’il n’hésite pas à briser sur scène (apport
essentiel à l’histoire des lives du rock and roll). « After everything I’ve done I hate
myself for what I’ve become », murmure-t-il sur Gave Up. Voilà
qui est dit et qui n’est pas fait pour rassurer.
Photo 5 |
La
sortie de The Downward Spiral deux ans plus tard vient enfoncer le clou
du brushing gothique qui sied aux démonstrations vocales et physiques d’un
titre comme March of The Pigs (ah, le clip de cette chanson : une
prise en direct, une violence rare, une line-up des plus terrifiantes, une
puissance abdominale certaine). Aux prises avec les démons de l’enfer, Trent
vit mal cette période et décide de s’enfermer dans sa grande maison de rock
star pour soulager son cuir chevelu des dommages causés par la boue de
Woodstock 1994 (photo 5).
Photo 6 |
Puis
The Fragile pète à la figure du monde entiiieeer en 1999. Reposé,
désintoxiqué, douché (?), notre bonhomme scanne le monde qui l’attend derrière
sa belle mèche effilée (photo 6). On n’a jamais vu dégradé capillaire
aussi menaçant. Si l’on entend les mouches voler sur le titre « Ripe
(with decay) », c’est bien parce que Trent Le Conquérant s’apprête à
n’avoir plus rien à faire de l’industrie du disque (et l’on sait à ce jour que
l’avenir lui donnera raison).
Photo 7 |
Cette
photo porte un message intéressant : pour la première fois, le regard est
porté vers le bas. Disparition de la défiance et apaisement des tensions, la
pose du penseur debout est ici inaugurée. Le message est clair : « Je
n’ai plus peur de ce qui peut me tomber sur la tête. Mate un peu ma
tignasse ».
La
délivrance des maisons de disques et de leurs contraintes juste après Year
Zero [2007] fait du jeune Trent mal dans sa peau, un homme confiant qui ne
s’enquiquine plus avec le style : « Hop, coupez moi ça tout court, je
pars en tournée pendant des mois, pas envie d’être emmerdé moi » (photo
8).
Photo 8 |
Le
look du quadra à l’aise dans ses pompes est adopté par notre homme et ne le
quittera plus. La pose des bras ballants non plus mais c’est loin de
l’attentisme des monstres de type major que Reznor développe désormais un
business model basé sur la gratuité... pour se faire un max d’argent. Et vous
savez quoi ? Et bien, ça marche. Ghosts I-IV [2008] a fait sonner
et trébucher plus de 1,6 millions de dollars en une semaine dans la soupière
reznorienne. Notre cher bonhomme n’est pas près de perdre ses cheveux.
C’est
ainsi avec les yeux grand ouverts et le front dégagé que Trent Reznor te
regarde en 2009. Je crois bien qu’il n’y a rien d’autre à ajouter. Ce garçon
est un homme comme les autres. Obsédé par ses cheveux.
Article paru initialement sur Inside Rock, mai 2009.
Article paru initialement sur Inside Rock, mai 2009.